L'allée des cocotiers
Le cocotier
Il n’a point de branches ; au sommet de sa tige, il érige une touffe de palmes.
La palme est l’insigne du triomphe, elle qui, aérienne, amplification de la
cime, s’élançant, s’élargissant dans la lumière où elle joue, succombe au poids
de sa liberté. Par le jour chaud et le long midi, le cocotier ouvre, écarte ses
palmes dans une extase heureuse, et au point où elles se séparent et divergent,
comme des crânes d’enfants s’appliquent les têtes grosses et vertes des cocos.
C’est ainsi que le cocotier fait le geste de montrer son cœur. Car les palmes
inférieures, tandis qu’il s’ouvre jusqu’au fond, se tiennent affaissées et
pendantes, et celles du milieu s’écartent de chaque côté tant qu’elles peuvent,
et celles du haut, relevées comme quelqu’un qui ne sait que faire de ses mains
ou comme un homme qui montre qu’il s’est rendu, font lentement un signe. La
hampe n’est point faite d’un bois inflexible, mais annelée et, comme une herbe,
souple et longue, elle est docile au rêve de la terre, soit qu’elle se porte vers le
soleil, soit que, sur les fleuves rapides et terreux ou au-dessus de la mer et du
ciel, elle incline sa touffe énorme.
Paul Claudel(1868 – 1955)
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